En tant qu’amatrice de photographie, le Festival Photo de La Gacilly représente pour moi un événement incontournable ! Bien que cette année la visite se fasse masquée, le lieu est vraiment agréable et les expositions sont toujours de grande qualité. Pour cette 17ème édition, le ton est donné : « Viva Latina » ! En effet, les travaux de grands photographes latino-américains ont été réunis. Comme chaque année, le festival sonne comme un cri d’alarme et met en lumière les nombreux travers de notre société. En effet, quand serons-nous enfin prêt à respecter la Nature, les autres et notre environnement ?
L’Amérique Latine à l’honneur
À l’entrée, on découvre d’emblée des portraits géants de cholitas boliviennes photographiées par Luisa Dörr. Il est amusant d’observer les couleurs de ces longues jupes à volant, aussi appelées polleras, se refléter jusque dans la rivière de l’Aff. Une fois de plus, ce festival me rappelle ces belles années passées en Amérique du Sud !
Mes 5 coups de coeur du Festival « Viva Latina »
Cette année et en raison du COVID-19, le parcours photographique a été raccourcit et présente 19 expositions sur plus d’une vigtaine habituellement. Toutefois, il est facile de s’y perdre une journée entière 😉 . Parmi tous les artistes exposés, j’ai particulièrement aimé les travaux en noir et blanc du photographe équatorien Emmanuel Honorato Vazquez que je ne connaissais pas, ainsi que les images sombres de la série « Gold » de Sebastião Salgado. Sur le thème du dérèglement climatique, j’ai été marquée par la série d’images du photojournaliste français Sébastien Leban, ainsi que par le reportage de l’américaine Nadia Shira Cohen. Au Brésil, Carl de Souza fournit un travail incroyable sur la révolte des Indiens d’Amazonie.
1. Sur les traces d’Emmanuel Honorato Vázquez (1893-1924)
Bien qu’ayant passé du temps à Cuenca en Équateur, ville d’origine du photographe, je ne me souviens pas avoir entendu parlé de cet artiste. Son oeuvre est pourtant magistrale ! Photographe rebelle, anticlérical et bohème des années 20, Emmanuel est issu de la grande bourgoisie équatorienne. Ses images se composent de magnifiques portraits reflètant l’ensemble de la population équatorienne, des communautés pauvres indigènes aux familles les plus aisées. L’Histoire semble se répéter tant les écarts entre les riches et les pauvres sautent aux yeux. Il est assez déroutant de se rendre compte à quel point la marchande « conquense » des années 20 ressemble en tout point à celle d’aujourd’hui. Ces clichés m’ont rappellé une de mes photos de cireurs de chaussures prise à la Plaza San Francisco de Cuenca.
2. Le destin tragique de l’île Tangier vu par Sébastien Leban (1987)
De la même façon que Martin Bernetti au Chili, Sébastien Leban met en avant une petite île américaine, Tangier, vouée à disparaître. Ce reportage photo m’a rappelé le destin tragique des magnifiques îles Kiribati présentées dans le documentaire « Anote’s Ark ». À travers ses images, le photojournaliste français dépeint l’aveuglement des habitants ultra-conservateurs et climato-sceptiques d’une île en perdition. En guise d’espoir et dans l’attente d’un miracle, des croix se dressent au milieu des eaux.
3. La culture du miel saveur OGM par Nadia Shira Cohen (1977)
Dans les cultures pré-hispanniques, les abeilles étaient vénérées par les Mayas. Aujourd’hui, les terres cédées par le gouvernement mexicain aux communautés Mennonites sont infestées de pesticides. La photographe Nadia Shira Cohen montre à travers une série d’images comment les Mennonites, pourtant réfractaires aux avancées technologiques, ont réussi à imposer une culture agricole intensive et dévastatrice. Aujourd’hui, le miel est contaminé par les OGM et ne peut plus être labellisé. Les populations locales sont expropriées de leurs terres et assistent de manière impuissante à une véritable catastrophe écologique.
4 & 5. Des orpailleurs de Sebastião Salgado (1940) aux révoltes indiennes de Carl de Souza (1980)
Encore une fois, de nombreux photographes s’associent pour alerter l’opinion publique face aux catastrophes écologiques. Comme Claudia Andujar et les Yanomami, le photographe brésilien Carl de Souza (1980) dénonce la politique dévastratrice du président Bolsonaro sur les Indiens d’Amazonie. Sebastião Salgado (1940) connu pour ces somptueux reportages (exposition Genesis), présente au Festival Photo la Gacilly une série d’images en noir et blanc d’orpailleurs brésiliens. Les images prises en 1986 sont saisissantes et témoignent de la dureté et de la dangerosité du travail des chercheurs d’or. Les hommes aglutinés les uns aux autres s’apparentent à de véritables fourmis esclaves.
Comme chaque année, le Festival se présente comme une ôde au voyage. Il nous ouvre à la fois à la beauté du monde et nous éclaire sur les travers de l’Homme. Lassés de ce monde tourmenté ? Dans un autre univers, Greg Lecoeur nous plonge au plus profond des océans à la découverte d’étranges créatures. 😉
Excellente visite !
De nombreuses expositions sont à découvrir jusqu’au 31 Octobre 2020, l’occasion également de visiter le très joli village de La Gacilly. L’accès au Festival est gratuit mais des visites guidées sont organisées. À noter que la librairie de l’exposition offre une très belle sélection d’ouvrages. Femme cholita ©Luisa Dörr
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